Aperçu géologique du Luxembourg

1. Situation géographique et géologique

Deux régions naturelles, géologiquement distinctes, caractérisent le Luxembourg. Les différences lithologiques et structurelles du sous-sol impliquent des paysages géomorphologiquement différents. Des types de végétations distincts s'y sont établis, les modes d'agriculture et les développements économiques sont différents, et ce dès le début de l'occupation de nos régions par l'homme. 

Carte 1: Carte géologique simplifiée du Grand-Duché du Luxembourg et régions limitrophes, © SGL 2009 Figure 1: Carte géologique simplifiée du Grand-Duché du Luxembourg et régions limitrophes

- L'Eisléck au nord est formé, tout comme les Ardennes en Belgique, l'Eifel et le Hunsrück en Allemagne, essentiellement de schistes plissés, datant de l'Ère primaire (Paléozoïque). Intercalés dans l'ensemble schisteux, on observe de nombreux bancs de quartzite et de grès.Géomorphologiquement, l'Eisléck se présente comme un haut plateau dont l'altitude moyenne varie entre 450 et 500 mètres. Dans sa partie sud et est, les vallées sont étroites et fortement entaillées dans le socle schisteux. La roche affleure à de nombreux endroits dans les versants raides en y formant des éperons ou des falaises. Le haut plateau de l'Eisléck est, dans sa partie nord-ouest, dans l'aire de contact des bassins versants de la Meuse et de la Moselle, seulement légèrement ondulé et les vallées y sont peu entaillées. Le substratum rocheux est recouvert dans cette région par un manteau d'altération plus épais que dans le reste de l'Eisléck.

- Le Gutland au sud est constitué d'un empilement en alternance de couches dures, résistantes à l'altération et de couches tendres, peu résistantes à l'altération. L'ensemble date de l'Ère secondaire (Mésozoïque). Les ensembles durs sont souvent fortement fissurés. Ils sont de ce fait perméables à l'eau et constituent des aquifères. Les ensembles tendres sont peu fissurés, ils sont de nature argileuse et marneuse et donc peu perméables à l'eau, constituant ainsi des couches-barrage ou aquitards.

Des roches de même âge constituent la Lorraine en France, la Gaume en Belgique ainsi que le Bitburger Gutland en Allemagne, qui prolonge le Gutland luxembourgeois au Nord-est (cf. figure 1).

Dans le Gutland, les différentes couches présentent un pendage général vers le sud-ouest et constituent un paysage de cuestas. La morphologie est caractérisée par quatre côtes à pente raide, formées par les roches dures et des replats à faible pente vers le sud, taillés dans les roches plus tendres. Les vallées sont fortement entaillées dans les roches dures et les versants sont caractérisés par des falaises rocheuses souvent verticales. Le Mullerthal, entaillé dans le Grès de Luxembourg, en constitue un exemple typique.


2. Histoire géologique

L'histoire géologique d'une région est inscrite dans la nature lithologique des roches de son sous-sol ainsi que dans leur disposition et structure. Le contenu fossilifère des roches permet, en se basant sur l'évolution des faunes et flores, une datation relative des roches et donc l'inscription de leur époque de formation dans le "calendrier géologique".

Les cartes géologiques présentent la disposition actuelle des roches et les tableaux stratigraphiques y afférents présentent le calendrier géologique. Le tableau 1 montre le "calendrier géologique" pour le Luxembourg. Une colonne chronologique y figure également ainsi que les principaux épisodes de l'histoire géologique de notre région.

Les roches qui constituent l'Eisléck se sont déposées sous forme de boues argileuses et de sables sur les fonds marins des mers de l'époque Siegénienne et Emsienne. Un continent nordique, appelé "Old Red" existait au nord. Sa côte sud se situait à la hauteur de la Manche et du Danemark. Des ilots étaient localisés sur le territoire de la Belgique actuelle, l'eau recouvrant alors une large partie de l'Europe au sud.

Tableau 1: Echelle stratigraphique du Luxembourg, © SGL 2009 Tableau 1: Echelle stratigraphique ("calendrier géologique") du Luxembourg

Les produits provenant de l'altération des roches de ce continent d'âge Cambrien ont été charriés par les cours d'eau à travers ce paysage dévonien vers la côte où les éléments grossiers se sont déposés à proximité des rivages. Les éléments fins (argiles et sables fins) ont pu être entraînés par les courants marins vers le large où ils ont sédimenté.

Des mouvements verticaux lents, de subsidence (enfoncement) du fond marin ont permis l'accumulation de très grandes épaisseurs de sédiments sous de faibles profondeurs d'eau. Actuellement, l'épaisseur totale de la série dévonienne ainsi accumulée et affleurant au Luxembourg est évaluée à plusieurs milliers de mètres.

Sous la charge des dépôts successifs, une compaction et une transformation des sédiments meubles fraîchement déposés s'opèrent. Ces phénomènes dits de diagenèse s'accompagnent d'une expulsion de l'eau contenue dans les vides du sédiment et conduisent à la lithification. Ainsi, les sables se transforment en grès et les boues argileuses deviennent des argilites.

A la période du Carbonifère, le plissement hercynien (ou varisque) a affecté l'ensemble des nouveaux dépôts déjà consolidés de même que le socle cambrien. Les mers ont été refoulées par les mouvements de surélévation de la nouvelle chaîne de montagne hercynienne, dont les restes forment l'Ardenne actuelle. Pendant la phase de plissement, les roches cohérentes se sont transformées davantage et les grès purs ont recristallisé en quartzites tandis que les argilites ont évolué en schistes, caractérisés par une schistosité (débit de la roche en plaquettes) ou même en phyllades (schistes ardoisiers).

Immédiatement après l'émergence de la chaîne de montagne, les phénomènes d'érosion et d'altération, identiques à ceux actifs actuellement, ont commencé à raboter les reliefs fraîchement formés.

Au début de la période du Trias, les mers triasiques ont progressivement envahi et recouvert à nouveau le socle continental ardennais altéré. La progression des mers s'est faite de manière générale à partir de l'est. La disposition du continent ardennais et de sa côte était irrégulière, tout comme les côtes marines le sont aujourd'hui. Il existait des reliefs plus marqués et des régions de dépressions ou de plaines.

Notre région était caractérisée par une dépression centrale, appelée aujourd'hui dépression Eifelienne, et un relief plus marqué se situant de part et d'autre. Un bras de mer occupait progressivement cette dépression appelée aujourd'hui Golfe de Luxembourg. La disposition de la dépression est figurée sur les cartes géologiques régionales. La figure 1 schématise son orientation. Son extension de l'époque était bien sûr beaucoup plus grande et avait une orientation approximativement nord-sud.

Les rivages des mers du Buntsandstein (de l'époque du Buntsandstein), du Keuper et du Muschelkalk se situaient dans notre pays. Dégagés par l'érosion actuelle, ils peuvent être observés aujourd'hui sur le contact Gutland-Eisléck.

Les nouveaux dépôts, formés à proximité du rivage étaient, tout comme on peut l'observer aujourd'hui le long des côtes rocheuses, constitués souvent d'éléments grossiers (graviers et sables). Ils sont caractérisés en plus par une coloration rouge typique du climat tropical régnant au Trias. Les éléments grossiers se limitent à la zone côtière. Plus au large, a lieu, à la même époque et dans la même mer, une sédimentation de boues argileuses et carbonatées.

Carte 3: Carte géologique générale du Grand-Duché de Luxembourg, © SGL 2009 Figure 3: Carte géologique schématique du Grand-Duché de Luxembourg

Les rivières ont charrié les produits d'altération du continent ardennais vers la mer. Les éléments grossiers se sont déposés ensuite dans la zone côtière dans les deltas des cours d'eau. Les vagues les ont remaniés et les courants marins ont transporté des éléments plus fins au large. Des distributions et des dépôts se font selon la force des courants. Au large se produit une sédimentation caractérisée par une granulométrie décroissante passant des sables fins aux boues argileuses ou carbonatées.

Les produits de dissolution des roches du continent sont transportés également en solution par les rivières. Arrivés dans le milieu marin, ils y peuvent précipiter et former des sédiments chimiques comme les carbonates. Dans des bras de mer isolés ou dans des lagunes, il peut s'opérer, sous le climat tropical, une évaporation intense et il peut y avoir précipitation de gypse. Une évaporation plus poussée permet la précipitation de sel. Des phases de remplissage et d'évaporation successives de ces domaines marins peuvent engendrer une alternance de ces différentes roches.

Les roches du Muschelkalk et du Keuper visualisent très bien par leurs variations de faciès (l'ensemble de leurs propriétés) ces différents milieux de dépôt. Ainsi les roches gréseuses et conglomératiques (issues de dépôts de sable et de graviers) affleurant au bord nord-ouest du Gutland, passent rapidement vers le sud-est à des ensembles dolomitiques et marneux.

Ainsi, le Grès de Mertzig, déposé à la fin de la période du Muschelkalk, est a prédominance rouge; le Grès de Gilsdorf, correspondant au même niveau mais déposé plus loin de la côte, est de couleur verte avec seulement quelques bancs rougeâtres. Vers le sud-est, l'épaisseur du niveau gréseux diminue rapidement et sur les versants de la Moselle, on ne rencontre plus que des dolomies.

Les roches du Muschelkalk présentent de ce fait des propriétés différentes variant latéralement de l'ouest vers le sud-est. Les ensembles gréseux et conglomératiques déposés à proximité des rivages et affleurant actuellement au bord nord-ouest du Gutland sont groupés du point de vue hydrogéologique en une aquifère du Muschelkalk et du Keuper en faciès de bordure, tandis que les roches dolomitiques de l'est du pays forment l'aquifère dolomitique du Muschelkalk supérieur.

Les dépôts des mers du Jurassique (mer du Lias et puis mer du Dogger) ont recouvert progressivement les dépôts triasiques. Les dispositions des continents et rivages de ces époques étalent différentes de celles du Trias; elles variaient avec les mouvements de subsidence du milieu marin et de surélévation du milieu continental.

Aux dépôts sableux du lias Inférieur (transformés plus tard en grés) se sont succédé les sédiments argileux du lias moyen et supérieur. La sédimentation mésozoïque s'est poursuivie par les dépôts détritiques et gréseux de la Minette. Le milieu de dépôt a de nouveau changé au Dogger supérieur lors du dépôt des calcaires de Rumelange. Ces derniers sont formés de calcaires à récifs coralliens avec des intercalations marneuses. Ils constituent les sédiments marins les plus jeunes du pays. La nature des roches et leur structure montrent que les rivages des mers du Dogger étaient disposés est-ouest et se situaient à quelques dizaines, voire vingtaines de kilomètres au nord des affleurements actuels

Lors du plissement alpin, pendant que les Alpes ont été formées et élevées en chaine de montagnes, les roches mésozoïques de nos régions ont été soulevées et ondulées légèrement. Le socle dévonien situé sous ces sédiments mésozoïques, était déjà trop induré par le plissement hercynien, n'a pas pu se plisser davantage et il n'a été que fracturé et faillé. Des failles anciennes datant déjà des phases terminales du plissement hercynien ont été réactivées et ont affecté localement la couverture mésozoïque en y induisant des déformations plastiques ou cassantes.

Des mouvements de soulèvement différentiels et des résistances différentes à l'altération sont à l'origine de la disposition géomorphologique actuelle de nos paysages. Ces mouvements de soulèvement se poursuivent actuellement. Des relevés topographiques de précision mettent en évidence un soulèvement et bombement de l'Ardenne; au point culminant en Ardenne centrale ce mouvement est d'environ 1 millimètre par an.

L'altération tertiaire a entamé ensuite les nouveaux reliefs. Un premier réseau hydrographique s'est établi et a commencé à entailler ces vallées dans le substratum rocheux. Des manteaux d'altération se sont formés sur les roches du nouveau relief. Ils se sont transformés et se sont épaissis progressivement. Sous l'influence de la gravité, l'éboulis a glissé sur les pentes vers les cours d'eau qui se sont approfondis progressivement au fur et à mesure du soulèvement du continent. Les cours d'eau ont assuré le transport du matériau d'altération vers l'ancienne mer du Nord où de nouveaux dépôts ont eu lieu.

Au cours des derniers millions d'années, pendant les périodes glaciaires, des dépôts de lœss (limons sableux éoliens) se sont accumulés sous l'effet du vent. Ces couvertures limoneuses ont également été soumises à l'érosion et aujourd'hui, il n'en reste que quelques lambeaux sur les plateaux.

Le paysage actuel avec son manteau d'altération, sa couverture de sol et sa végétation s'est formé à partir de la dernière glaciation il y a 10'000 ans. Les cours d'eau étalent à ce moment à un niveau de creusement et d'enfoncement maximal situé pour les cours d'eau importants entre 5 et 8 mètres sous le niveau de la plaine actuelle. Depuis lors, le niveau de mers actuelles s'est relevé et l'accumulation d'alluvions actuelles s'est opérée progressivement.

L'érosion et l'altération se poursuivent aujourd'hui et notre paysage se transforme lentement. Très localement, les modifications du paysage sont rapides et de nature catastrophique (glissement de terrain, éboulement de falaise, érosion de sol non couvert de tapis végétal). L'homme est intervenu dès le développement de l'agriculture. Il y a environ 12'000 ans, aujourd'hui, il provoque, par ses multiples activités, de nombreuses modifications dans le paysage, parfois rapides et irréversibles (exploitation de mine, affaissement, modification de l'écoulement des eaux superficielles et souterraines).


3. Cartes géologiques

La nature géologique du sous-sol est reprise sur les cartes géologiques. Une toute première édition, à l'échelle 1:550'000, fut déjà publiée en 1828 par Steininger. La première carte géologique détaillée, à l'échelle 1:40'000, couvrant l'ensemble du territoire du Luxembourg a été réalisée par Wies et Siegen en 1877.

Carte 2: Cartes géologiques détaillées du Luxembourg, © SGL 2009
Figure 2: Cartes géologiques détaillées du Luxembourg

Des cartes géologiques détaillées modernes, ont été réalisées et publiées par Michel Lucius entre 1947 et 1949 à l'échelle 1:25'000; elles sont toujours disponibles aujourd'hui. Une révision des cartes géologiques s'impose régulièrement vu les mises à jour importantes de la carte topographique ainsi que les nombreuses observations nouvelles obtenues au cours des années à la fois dans des terrassements pour constructions et sur des forages de reconnaissance et de captage d'eau. La révision a été entamée depuis plusieures années, les documents publiés à ce jour sont représentés sur la figure 2.

Les cartes détaillées ont servi à l'établissement de cartes thématiques telles que la carte hydrogéologique et la carte géomorphologique.

Actuellement, une version de la carte géologique générale sur support informatique est en voie de préparation. Ce support permettra une mise à jour plus rapide et une intégration immédiate des observations nouvelles. Il facilitera en outre l'établissement d'autres cartes thématiques, comme les cartes à risque naturel, de même que la visualisation de relations souvent complexes entre les différentes activités humaines et le sous-sol.

Des cartes d'affleurement et d'alimentation des aquifères exploités sont à établir. Comparées aux documents de l'aménagement du territoire on pourra en déduire des cartes de vulnérabilité des nappes exploitées. Des régions d'exploitation de matériaux pierreux et des secteurs des zones de protection de sources pourront être visualisés et comparés rapidement. Des conflits éventuels entre l'exploitation des richesses du sous-sol et l'aménagement du territoire ou l'exploitation agricole pourront être évalués.


4. L'homme et le sous-sol

Le développement de l'homme et de sa culture est lié d'une part au développement de l'agriculture et d'autre part à la disponibilité et l'exploitation des richesses naturelles, minières et aquifères du sous-sol.

Ainsi le substratum géologique a depuis toujours fortement influencé l'établissement des zones d'habitations ainsi que le développement de nombreuses activités humaines.

Les vestiges d'exploitations minières anciennes sont nombreux au Luxembourg. Citons les exploitations de minerai de fer des prés au Mierscherbierg, au Nord de Mersch et les captages d'eau des Raschpëtzer par la galerie souterraine à Walferdange. Des exploitations de pierre de taille existaient dès l'époque romaine dans les Calcaires de Rumelange et le Grès de Luxembourg. Des niveaux de grès conglomératiques ont été exploités comme meulières en carrière souterraine près de Schoenfels.

La figure 3 montre les relations importantes et complexes entre les différentes roches du sous-sol et l'exploitation des ressources naturelles et des activités humaines.

Le profil lithologique schématique montre une coupe dans les roches affleurant au pays. Tracé à une échelle proportionnelle mais approximative, il visualise de par sa disposition en dents de scie l'alternance de roches dures (grès, calcaires, dolomies, ...) et de roches tendres (marnes,...), décrites au paragraphe 1. Les roches dures y figurent en saillie alors que les roches tendres sont représentées en retrait. L'échelle stratigraphique, les sigles et les appellations courantes permettent de se référer aux cartes géologiques publiées et de porter en plan les relations visualisées en coupe sur la figure 3.

Les exploitations de ressources naturelles en eau des aquifères et de matières premières, pierres et minerai figurent dans les colonnes voisines. Les mêmes roches dures et fissurées sont perméables; elles contiennent souvent des réserves en eau et présentent en même temps les caractéristiques propres aux pierres de construction.

La colonne des risques regroupe à la fois les catastrophes liées à la disposition géologique du sous-sol (glissement de terrain, éboulement de falaise} et les accidents ou dégradations liés à l'activité minière.

Les frais liés à l'assainissement des dégâts dus aux catastrophes naturelles sont très importants et augmentent avec l'aménagement et l'établissement d'activités dans des zones à risque naturel élevé.

4.1. Exploitation des eaux souterraines

La structure géologique du Gutland avec son alternance d'épaisses couches dures, perméables à l'eau et de couches marneuses et argileuses peu perméables à l'eau explique sa richesse en eaux souterraines.

Les différents aquifères exploitables sont repris au tableau 2.

Tableau 2: Relations entre sous-sol et exploitations des ressources naturelles et activités humaines. Profil des roches présentes au Luxembourg., © SGL 2009
Tableau 2: Relations entre sous-sol et exploitations des ressources naturelles et activités humaines. Profil des roches présentes au Luxembourg.

L'épaisseur relative de l'aquifère sur le log lithologique permet d'en évaluer l'importance. Chaque couche dure et fissuré est perméable et peut contenir de l'eau.

L'importance d'un aquifère dépend de la nature et de l'épaisseur de l'unité lithologique qui le contient ainsi que de son extension en surface pour la quantité d'eau disponible. La qualité de l'eau de l'aquifère est influencée par le type de perméabilité de la roche qui le contient (soit par porosité, soit par fissuration). Elle dépend aussi et surtout de la nature et de l'épaisseur de la couverture meuble (manteau d'altération) qui le recouvre.

En effet, une couverture meuble sableuse ou limoneuse constitue un filtre de bonne qualité. La couverture meuble est seulement perméable par porosité; la vitesse d'infiltration est généralement diffuse et lente et le pouvoir filtrant est donc élevé. De nombreuses activités, telles que l'agriculture, ou l'aménagement du territoire, affectent et dégradent ce filtre qu'il est nécessaire de protéger.

Les roches cohérentes formant les aquifères sont perméables par porosité et par fissuration. Les vitesses du transfert vertical des eaux d'infiltration dans les fissures de la roche cohérente sont fonction de l'ouverture de ces fissures et de leur degré de remplissage. L'infiltration diffuse et lente se fait par les pores de la roche, l'infiltration concentrée ne se fait que par les fissures et la vitesse de transfert est rapide. Les fissures des roches dolomitiques calcareuses sont largement ouvertes suite aux phénomènes de dissolution des joints; elles sont généralement peu colmatées par des remplissages secondaires et l'incorporation de l'eau dans la nappe souterraine peut être immédiate. Les fissures du Grès de Luxembourg sont très nombreuses, mais souvent remplies de sable à grand pouvoir filtrant.

Les aquifères sont exploités soit en émergence naturelle comme source, soit par forage captage. Dans le cas des sources, le débit disponible est fonction de l'alimentation par infiltration; il est tamponné par la réserve de l'aquifère. Le débit à exutoire peut varier largement suivant les saisons et les années. Dans le cas de captage par forage profond, le débit disponible (alimentation moyenne annuelle) est puisé dans la réserve de l'aquifère. La quantité exploitable dépend alors également des propriétés de l'aquifère mais aussi de la réserve d'eau incluse dans les vides (pores et fissures) de l'aquifère. Une surexploitation (débit moyen supérieur à réalimentation) amène rapidement à une diminution de la réserve de l'aquifère. Une imperméabilisation de surface limite l'infiltration dans le sous-sol et amène également une réduction de la réserve d'eau souterraine disponible. La qualité de l'eau peut être également affectée étant donné que les possibilités de dilution sont réduites.

Les fluctuations naturelles de débit de source ainsi que les pompages dans une exploitation induisent des variations du niveau de la nappe d'eau souterraine et donc de la quantité d'eau disponible et stockée dans la zone saturée de l'aquifère. Ces variations n'influencent pas la végétation de surface; elles ne modifient pas non plus les propriétés géomécaniques des roches cohérentes et perméables. Dans les roches meubles par contre, elles peuvent entraîner des variations importantes de ces propriétés. Des tassements de sol peuvent en résulter dans la zone de rabattement autour d'un captage. Ces problèmes ne se présentent cependant pas au Luxembourg où l'exploitation des alluvions, seul aquifère dans les roches meubles, est très réduite.


4.2. L'exploitation de matières pierreuses et de minerais

Au début de l'ère industrielle, des exploitations de minerai de fer (la Minette) ont commencé dans le Sud-est du pays. Actuellement, toute exploitation à ciel ouvert et souterraine est abandonnée. Des travaux de déblayage (décapage) ont été poursuivis après l'exploitation pour permettre une reprise (très peu probable) de cette dernière. De larges zones d'effondrement minier, potentielles ou réelles, existent au-dessus des régions exploitées.

L'exploitation de la Minette a modifié largement le régime d'écoulement des eaux souterraines de l'aquifère du Dogger. Ce dernier est constitué par les couches fissurées et perméables de la Minette et du Calcaire de Rumelange sus-jacent. Il présente un faible pendage vers le Sud-ouest. L'aquifère du Dogger était, avant l'exploitation de la Minette, saturé et rempli d'eau. Une partie de ces eaux se sont déversées, avec un débit variant avec l'alimentation, au Nord vers le bassin versant de l'Alzette. Lors de l'exploitation en mine souterraine les eaux ont été pompées comme exhaure et les émergences naturelles se sont taries progressivement. Actuellement, la plus grande partie de ces eaux d'exhaure est drainée par galerie vers la vallée de la Moselle en France.

Des exploitations de minerai dans l'Eisléck, minerai de cuivre à Stolzembourg, de plomb dans la région d'Allerborn et d'antimoine prés de Goesdorf ont influencé, tout comme l'exploitation du quartzite de Berlé comme matériau réfractaire, le développement de ces régions. Toutes ces exploitations ont été abandonnées depuis longtemps. Les galeries souterraines existent toujours; elles sont très stables dans le schiste et les risques d'effondrement sont très limités; localement ces travaux miniers sont utilisés comme réservoirs souterrains.

Les exploitations de gypse (matériaux pierreux) existaient dans beaucoup de régions; elles étaient à côté du fer les plus florissantes. Actuellement elles sont toutes abandonnées, la mine de Walferdange, seule accessible abrite le Laboratoire de Géodynamique. De nombreux vestiges de ces exploitations (terrils, entrées de mines) existent encore en surface. Localement, on peut y observer des effondrements. Les terrains marneux recouvrant les lentilles gypsifères exploitées sont généralement peu stables et des dégradations s'opéreront à long terme.

Des exploitations de matériaux pierreux se font encore aujourd'hui dans de nombreuses régions. Il y a une vingtaine d'années plus d'une centaine d'exploitations existaient. Aujourd'hui il n'en reste qu'une vingtaine. Les exploitations se situent toujours, sauf pour les roches de l'Eisléck dans des roches perméables et aquifères. Elles se localisent dans les zones d'affleurement et d'alimentation des aquifères et parfois dans les zones et secteurs de protection des sources captées pour l'alimentation en eau potable.

Les exploitations se sont faites le plus souvent à ciel ouvert. Seules des exploitations de dolomie dans la vallée de la Moselle ou de schiste ardoisier dans l'Eisléck se sont opérées en carrière souterraine. Toutes ces exploitations souterraines sont actuellement abandonnées et le problème de stabilité des ouvrages souterrains peut se poser à moyen et à long terme pour les exploitations de dolomie réalisées sous faible couverture. Les ardoisières souterraines étant généralement très stables.


4.3. Les risques géologiques

Des éboulements de falaises et des glissements de terrain sont des phénomènes naturels actifs dans des terrains à structure géologique telle qu'elle se présente localement au Luxembourg.

Les couches dures et résistantes à l'altération forment dans le Gutland des falaises naturelles importantes qu'on rencontre dans les vallées encaissées du Mullerthal et sur les pentes raides dans la vallée de l'Alzette (Grès de Luxembourg), dans les falaises des roches dolomitiques du Muschelkalk de la vallée de la Moselle et dans les plateaux de la Minette ou même dans le grès médio-liasique au sud de Bascharage. Les grands affleurements dans les vallées encaissées de l'Eisléck sont d'autres exemples. Lors de l'éboulement, des panneaux entiers de rochers se détachent sous l'influence de la gravité et basculent vers la vallée. Les masses rocheuses tombées sont incorporées dans l'éboulis de pente avec lequel elles évoluent alors vers le fond de vallée.

Des terrains susceptibles de glisser ou potentiellement instables présentent des pentes moyennes à raides; ils doivent être formés d'un sous-sol imperméable, susceptible à l'eau (p.ex. gypsifère) et pouvant être affecté par les circulations d'eau d'importance variable.

De telles constellations se présentent pratiquement en contrebas de chaque zone d'affleurement de nos aquifères importants. Ces derniers fournissent l'eau, la quantité disponible variant plus ou moins rapidement avec la pluviosité. Les couches marneuses et argileuses sises sous les aquifères sont souvent recouvertes d'éboulis de pente d'épaisseur importante. L'éboulis de pente est de nature argileuse et souvent entrelardé des produits d'éboulement des falaises rocheuses sises plus haut dans le versant. Si la pente du terrain est raide, une augmentation brusque de l'écoulement normal peut conduire à l'instabilité. A l'aide des cartes géologiques et topographiques peuvent être définies alors des zones à risque naturel élevé ou des zones potentiellement instables. D'ailleurs une grande partie de ces terrains a connu dans les temps historiques des dégradations, souvent visibles dans la disposition topographique des lieux; elles figurent même souvent sur les plans cadastraux anciens.

Il est évident que l'homme peut intervenir dans ces zones et être responsable de l'instabilité. Des constructions, des terrassements ou des mouvements de masses réalisées sans précaution peuvent conduire à l'instabilité. Des ruptures de conduite d'eau ou de canalisation, des drains mal placés ou même l'abandon ou la dégradation de sources captées peuvent conduire à des augmentations temporelles de l'écoulement des eaux dans le sous-sol et provoquer la rupture.

Environ deux tiers des glissements de terrain du pays s'opèrent sur la formation du Rhétien (ko de la carte géologique) sous-jacente au Grès de Luxembourg. Cette unité de faible épaisseur est particulièrement sensible à l'eau. Les autres glissements s'observent sur les marnes gypsifères du Muschelkalk moyen (mm) ou sur les marnes et argilites du Lias supérieur (lo2-5) sous-jacentes respectivement aux dolomies du Muschelkalk et aux roches dures et perméables de l'aquifère du Dogger.


5. Bibliographie

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